, Arthur Young Voyages en France pendant les annĂŠes 1787, 1788, 1789 

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on loua très fort sa fermeté. Il y avait aussi M. de la Luzerne, neveu de l'ambassadeur de France à Londres,
qui voulut bien m'informer dans un anglais pitoyable qu'il avait pris des leçons de boxe de Mendoza.
Personne ne serait bien venu à dire qu'il a voyagé sans profit. Est-ce que le duc d'Orléans, lui aussi, aurait
appris à boxer ? Mauvaises nouvelles de Paris ; le trouble s'accroît ; les alarmes sont telles que la reine a fait
appeler le maréchal de Broglie dans le cabinet du roi ; il y a eu plusieurs conférences ; le bruit court qu'une
armée va être réunie sous son commandement. Cela peut être indispensable, mais quelle triste conduite que
d'en être arrivé là !
2 juillet. Meaux. M. de Guerchy a eu la bonté de me reconduire jusqu'à Coulommiers ; j'avais une lettre
pour M. Anvée Dumée. De Rosoy à Maupertuis, le pays est varié par des bois, animé par des villages et des
fermes isolées se répandant çà et là comme auprès de Nangis. Maupertuis semble avoir été la création du
marquis de Montesquiou, qui possède ici un très beau château construit d'après ses propres plans, un grand
jardin anglais fait par le jardinier du comte d'Artois et la ville ; tout cela est son oeuvre. Le jardin m'a fait
plaisir à voir. On a tiré bon parti d'un cours d'eau assez fort et de plusieurs sources jaillissant sur le domaine ;
elles ont été bien dirigées, et l'ensemble fait preuve de goût. L'application d'une de ces sources au potager est
excellente : elle circule en zigzag sur un canal pavé, formant de temps en temps des bassins pour l'arrosement
; on pourrait très aisément la conduire alternativement sur chaque planche, comme en Espagne. C'est une
suggestion d'une utilité réelle pour ceux qui créeront des jardins en pente, car l'arrosage au moyen d'arrosoirs
ou de seaux est misérable, comparé à cette méthode infiniment plus efficace. Je ne reprocherai à ce jardin que
d'être trop près de la maison, d'où l'on ne devrait rien avoir en vue que des gazons et quelques bouquets
d'arbres. Une plantation convenable pourrait cacher la route. Celle-ci, du reste, jusqu'à Coulommiers, a été
admirablement construite en pierres cassées fin comme du gravier, sous les ordres de M. de Montesquiou, et
en partie à ses frais. Avant d'en finir avec ce gentilhomme, j'ajouterai que sa famille est la seconde de France,
et même la première selon ceux qui admettent ses prétentions, car elle croit remonter aux d'Armagnac,
descendance incontestable de Charlemagne. Le roi actuel, quand il signait des actes se rapportant à cette
famille, et semblant admettre ce fait ou y faire allusion, remarquait que, par sa signature, il reconnaissait un
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de ses sujets comme de meilleure maison que lui-même. Mais on s'accorde généralement à laisser le premier
rang aux Montmorency, d'où sortent les ducs de Luxembourg et de Laval et le prince de Robec. M. de
Montesquiou est député aux états, un des quarante de l'Académie française, à cause de quelques écrits qu'il a
publiés, et en outre premier officier de Monsieur, frère du roi, ce qui lui vaut 100,000 liv. par an ( 4375 l. st. ).
Dîner avec M. et madame Dumée : la conversation, comme dans toutes les villes de province, ne roule
presque que sur la cherté des grains. Il y avait eu marché hier, et émeute malgré la présence des troupes ; le
blé vaut 46 liv. ( 2 l. 3 d. ) le septier ou demi-quarter, quelquefois plus. Meaux. 32 milles.
Le 3. Meaux ne se trouvait guère sur mon chemin, mais le district qui l'entoure, la Brie, est si célèbre pour
sa fertilité, que je ne pouvais passer sans la voir. J'avais des lettres pour M. Bernier, grand fermier du pays, à
Chauconin, près Meaux, et pour M. Gibert, de Neufmoutier, grand cultivateur qui a fait, comme son père, une
fortune considérable dans l'agriculture. Le premier n'était pas chez lui ; je trouvai le second très hospitalier et
très disposé à me fournir tous les renseignements que je désirais. Il a élevé une maison belle et commode
avec des bâtiments d'exploitation conçus largement et solidement construits. J'étais heureux de voir une telle
fortune due tout entière à la charrue. Il ne me laissa pas ignorer qu'il était noble, exempt de tailles, et jouissait
du privilège de la chasse, son père ayant acheté la charge de secrétaire du roi ; mais, homme sage ayant tout,
il vit en fermier. Sa femme apprêta la table, et son régisseur, la fille de laiterie, etc., etc., prirent place avec
nous. Voilà de vraies façons campagnardes ; elles sont très convenables et ne menacent pas, comme les airs à
prétention de petits gentilshommes, de dévorer une fortune pour satisfaire à une fausse honte et à de sottes
vanités. La seule chose à laquelle je trouve à redire, c'est la construction d'une habitation bien au delà de sa
manière de vivre, et qui ne peut avoir pour effet que d'induire un de ses successeurs à des dépenses qui
dissipent ses épargnes et celles de son père. Cela serait sûr en Angleterre ; en France, il y a moins de danger.
Le 4. Gagné Château-Thierry en suivant le cours de la Marne. Le pays est agréablement varié, et offre
assez d'accidents de terrain pour former toujours tableau, s'il s'y trouvait des haies. Château-Thierry est
magnifiquement placé sur cette rivière. Il était cinq heures quand j'y arrivai, et dans un moment si plein
d'intérêt pour la France et même pour l'Europe, je désirais lire un journal. Je demandai un café ; il n'y en avait
pas dans la ville. On compte ici deux paroisses et quelques milliers d'habitants, et il n'y a pas un journal pour
le voyageur dans un moment où tout devrait être inquiétude ! Quel abrutissement, quelle pauvreté, quel
manque de communications ! A peine si ce peuple mérite d'être libre ; le moindre effort vigoureux pour le
maintenir en esclavage serait couronné de succès. Celui qui s'est habitué à voir, en parcourant l'Angleterre, la
circulation rapide et énergique de la richesse, de l'activité, de l'instruction, ne trouve pas de mots assez forts
pour peindre la tristesse et l'abrutissement de la France. Tout aujourd'hui j'ai suivi une des plus grandes routes
à trente milles de Paris ; je n'ai cependant pas vu de diligence ; je n'ai rencontré qu'une voiture de personne
aisée et rien davantage qui y ressemblât. 30 milles.
Le 5. Mareuil. La Marne, large d'environ vingt-cinq perches anglaises, coule à droite dans une riche
vallée. Le pays est accidenté, souvent agréable ; des hauteurs on en a une belle vue de la rivière. Mareuil est
la résidence de M. Leblanc, dont M. de Broussonnet m'avait parlé fort avantageusement, surtout par rapport à
ses moutons d'Espagne et à ses vaches de Suisse. C'était lui aussi sur lequel je comptais pour mes
renseignements touchant les fameux vignobles d'Épernay, qui produisent le meilleur champagne. Quel fut
mon désappointement quand j'appris de ses domestiques qu'il était allé à neuf lieues de là pour ses affaires : «
Madame Leblanc y est-elle ? Non, elle est à Dormans. » Mes exclamations de dépit furent interrompues
par l'arrivée d'une fort jolie jeune personne qui n'était autre que mademoiselle Leblanc. « Maman sera ici à
dîner, et papa ce soir ; si vous lui voulez parler, veuillez bien l'attendre. » Quand la persuasion prend d'aussi
gracieuses formes, il n'est pas facile de lui résister. Il y a dans la manière de faire les choses un tour qui vous
y laisse indifférent on vous y fait prendre intérêt. L'enjouement naturel et la simplicité de mademoiselle
Leblanc me firent attendre patiemment le retour de sa mère, en me disant à part moi : « Vous ferez,
mademoiselle, une excellente fermière. » Madame Leblanc approuva la naïve hospitalité de sa fille, et
m'assura que son mari arriverait le lendemain de bon matin ; car elle lui dépêchait un exprès pour ses propres
affaires. Le soir, nous soupâmes avec M. B..., mari d'une nièce de M. Leblanc, qui demeure dans le même
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